
Yves L’Honoré, technicien au sein de la Fédération départementale des chasseurs de l’Orne. (©Le Perche)
Comment percevez-vous le sentiment anti-chasse qui a lieu en ce moment ?
Yves L’Honoré : On a conscience qu’on aura toujours le mauvais rôle car par définition on tue des animaux. On en prend plein la gueule en ce moment. Il y a dix ans, on n’était pas confronté à autant de violences verbales à notre encontre. Il y a des anti-chasse, ce sont en général des gens qui prônent la tolérance mais qui n’en font pas preuve envers les chasseurs. On ne les oblige pas à aimer la chasse ou à chasser. On leur demande simplement de nous laisser chasser en paix.
La pratique de la chasse a-t-elle évolué, et si oui, comment ?
L’évolution a commencé en 1976 avec l’instauration du permis de chasser. À cette époque-là, il fallait répondre à 21 questions et obtenir un minimum de bonnes réponses pour pouvoir être reçu. Il y avait un examen par an. Dans les années 1980, le permis a été accompagné, en plus du questionnaire, d’une formation pratique notamment concernant le maniement d’arme. Cette formation était obligatoire mais non éliminatoire. Dans les années 1990, le permis s’est durci. L’examen pratique est devenu éliminatoire si le candidat ne satisfaisait pas aux exigences. Et au début des années 2000, il a été mis en place une formation pratique pour les armes, fusil et carabine, et dans les questions, il y a une question éliminatoire. Aujourd’hui, sur le département de l’Orne, nous faisons passer le permis à 300 candidats avec un taux de réussite oscillant autour de 70 %. Ça signifie que l’examen veut dire quelque chose et qu’il y a 30 % d’échec.
Concrètement, comment cela se passe-t-il ?
Nous avons une demi-journée de formation théorique sur les armes et la sécurité. Et une demi-journée de formation pratique, avec le maniement des armes via des exercices de tir réel et tir fictif. Le tout en toute sécurité. Le maître mot c’est la sécurité. Le futur chasseur est observé par des techniciens sur ses attitudes et ses gestes. Nous sommes des formateurs reconnus au niveau national et quand quelque chose n’est pas bien fait, on le recadre tout de suite pour lui dire que le fusil ne se tient pas de cette manière ou quelle doit être la position des doigts ou encore à quel moment doit-on tirer… Tout est basé sur la sécurité et la prise en compte de son environnement. Toute la théorie apprise en cours est ensuite retranscrite et décortiquée sur le terrain. C’est l’application concrète de la réglementation qui est encadrée dans le cadre d’un schéma départemental de la chasse validé par le préfet départemental pour une durée de six ans.
Comment se traduit cette sécurité ?
Sur un plan routier, on doit prévenir les automobilistes d’une chasse par la pose de panneau informatif. Au niveau de la sécurité, il est fortement conseillé d’installer des rehausseurs. Cette installation a un double intérêt, elle rend le chasseur fixe et visible. L’autre intérêt c’est que cela permet au chasseur d’effectuer des tirs fichants en direction de la terre. Il faut que la course de la balle soit la plus courte possible. Les tirs rasants, eux, sont fortement proscrits. Dans le cadre du schéma départemental, il a été fixé des distances réglementaires, à savoir 40 m pour des balles (fusils de chasse) et 100 m pour des carabines. Il y a un angle de sécurité qui est respecté. Le tir dans la traque est interdit. Les chasseurs prennent en compte leur environnement pour savoir où ils vont pouvoir tirer en toute sécurité afin de ne pas blesser les autres utilisateurs de la nature.

Rehausseurs et signalisation sont parmi les moyens employés pour rendre plus visible les chasseurs. (©Le Perche.)
Vous avez mis en place des mesures de sécurité, quelles sont-elles ?
Le chasseur se veut également visible. Une couleur normalisée, l’orange, a été mise en place depuis quelques années pour que le chasseur soit visible dans la nature. C’est en prévision d’une hypothétique future réglementation qui obligerait les autres utilisateurs de la nature (Vététistes, randonneurs, etc.) à porter quelque chose de visible. Ces autres utilisateurs, on ne les voit pas quand ils sont en forêt ! On a anticipé ça ! Dans les forêts domaniales, les forêts gérées par l’État, les cueilleurs de champignons, joggeurs et autres randonneurs on ne les voit qu’au moment où il y a des traques et que tout est indiqué ! Nous mettons tout en œuvre pour être vus et signalés (corne, trompette) alors que d’autres sont habillés de manière discrète. C’est à nous de faire attention car nous avons l’arme, mais avec un gilet jaune, on le verrait mieux.
Que répondez-vous à ceux qui veulent encore plus de réglementations au niveau de la chasse ou qui demandent la suppression de la chasse le dimanche ?
Il n’existe aucuns loisirs qui soit plus réglementé que la chasse. Dans la chasse, tout est réglementé. Les périodes de chasse sont réglementées. Les dates, les heures, la chasse de jour, les tenues, les calibres, les quotas par espèces parfois par sexe, les classes d’âge, par taille, par sexe, les carnets de prélèvements, les munitions, etc. On ne peut pas faire plus !
Pour ceux qui ne veulent pas de chasse le dimanche, dans les forêts domaniales, ouvertes au public, pourquoi pas, mais cela relève de l’Office national des forêts qui gère ces espaces. Là, ce n’est plus un problème de chasseurs mais celui d’un organisme d’État. D’ailleurs, le seul utilisateur public qui paye l’utilisation des forêts domaniales, c’est le chasseur (N.D.L.R. : prix de location allant de 50 à 150 € de l’hectare) ! Certes cela ne lui donne pas tous les droits mais les autres utilisateurs de la forêt, eux, ne payent rien ! On pourrait admettre qu’il n’y ait pas de chasse. Mais il faut savoir qu’une grande partie de la forêt en France est privée. Dans le département de l’Orne, il y a 30 % de forêt domaniale, le reste étant privé. Il y a des propriétaires qui se font sortir de chez eux par des promeneurs en prétextant que la nature est à tout le monde. Et bien non, la forêt en l’occurrence n’est pas à tout le monde ! Elle a des propriétaires… On demande que la propriété privée soit respectée, tout simplement !
Pourtant, il y a bien des accidents de chasse et des morts ?
Par rapport à l’accidentologie. Il y a des accidents que nous regrettons. Un accident de chasse c’est toujours un accident de trop. Il y a des drames et nous en avons pleinement conscience. Nous le déplorons. Mais le risque zéro n’existe nulle part. La chasse est une activité potentiellement dangereuse mais si on reprend les statistiques, l’alpinisme tue plus que la chasse, de même que le ski, etc. Dans la majorité des cas, les accidents de chasse se font entre chasseurs. Certains s’en réjouissent mais ce n’est pas un bon argument. Dans la minorité des cas, ce sont des promeneurs et c’est dramatique. On ne nie pas le fait que nous ayons des mauvais chasseurs dans nos rangs. Mais on ne peut pas mettre un formateur derrière chaque chasseur. La majorité des accidents de chasse sont dus à des imprudences et d’autres à un manque de chance (ricochet, etc.).
Avez-vous des chiffres pour illustrer la baisse des accidents ?
Depuis vingt ans, le nombre d’accidents corporels a été divisé par 2, on est passé globalement de 600 accidents, il y a vingt ans à 300 aujourd’hui. Le nombre de tué, lui, a été divisé par 3. On est passé de 39 tués, il y a vingt ans, à 13 aujourd’hui pour l’ensemble de la France. Au niveau national. C’est encore trop ! On tend vers un mieux. Les chasseurs sont de mieux en mieux formés. Avec 1,2 million de pratiquants en France qui font en moyenne plusieurs dizaines de sorties de chasse dans l’année, on ne recense que 250 accidents corporels. C’est toujours trop !
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La chasse dans l’Orne en quelques chiffres
La chasse c’est 25 000 emplois directs et plusieurs milliers d’emplois induits.
Le budget chasse au niveau national, c’est 3,6 milliards d’euros.
Rien que pour chasser, un chasseur dépense plus de 2 000 euros par an. C’est une économie importante.
C’est une activité très ancré en milieu rural.
C’est aussi un milieu qui se féminise. Ainsi 10 % de chasseurs sont des femmes.
Les femmes contribuent à changer l’image de la chasse.
C’est 78 millions d’heures de bénévolats pour entretenir des terrains de chasse ou préserver des zones humides.
Beaucoup d’entre eux acquiert des terrains pour protéger ces zones.
En termes d’indemnisation, les chasseurs financent sur leurs propres deniers, les dégâts causés sur certaines parcelles de chasse.